dimanche 17 mars 2013

Le Silence du Bourreau - François Bizot

Pour cette chronique je vais vous présenter un texte mi-témoignage mi-essai mais qui ne fait pas de demi-mesure dans l'introspection. L'essai constitue la première partie du livre, et la deuxième retranscrit une partie du procès de Douch, le chef militaire des Khmers Rouges dont les leaders ont fait éradiqué 20 % de la population cambodgienne sous le régime de Polpot. Le Portail, écrit en 2000- relate déjà pour l'essentiel l'enlèvement et l'incarcération de François Bizot  en 1971. Alors pourquoi ce deuxième livre serait-on tenté de demander : Quelques années  après l'écriture du Portail, Douch, le bourreau de Tuol Sleng est retrouvé, incarcéré et jugé.

j'ai repris contact avec Douch dès son arrestation.

Ce nouveau texte présente très précisément la relation de transfert qui s'est produite entre l'auteur et son bourreau et soulève la question fatidique : qu'est ce qui peut faire qu'un homme puisse commettre le pire ? En effet grâce à ce qui semble être une question de rivalité dans une hiérarchie triangulaire, et bien que tout semble le désigner comme un traître à la cause Khmer, Bizot sera libéré et pourra fuir en Thaïlande car  Douch va s'opposer à ce qu'il soit exécuté. Les cambodgiens qui assistaient F. Bizot dans ses travaux ont eux été mis à mort. Néanmoins, comme le découvrira Bizot, en 1988,  lors d'une visite d'un camp d'incarcération à Phnom Penh devenu musée,  Douch participera aux meurtres de plusieurs dizaines de milliers de cambodgiens.

La biographie de Douch ne pourrait plus être que celle "du bourreau de Tuol Sleng " alors qu'il m'avait fait voir à moi autre chose de lui-même.


Je craignais qu'il s'agisse d'un texte difficile à lire du fait de certaines caractéristiques descriptives de ce genre de récit et que je redoutais donc certains contenus épouvantables  - qui sont néanmoins sous-jacents, en ellipse - propres aux récits de guerre civile mais l'auteur épargne son lecteur grandement.  Son propos n'est pas de l'effrayer mais à l'amener à une réflexion sur cette part de l'autre  qui nous meut.

Durant le temps de leur apprentissage et avant d'entrer dans l’age mûr, les garçons formaient la catégorie de  ceux qui n'ont pas encore peur. Comme tels, ils devaient s'exercer par la méditation à vaincre l'ennemi censé gésir au fond d'eux sous la forme d'un démon, dans la perspective de leur maturité et d'une sagesse à atteindre.
 

Il y réussit merveilleusement  à travers un style explicatif littéraire d'une  qualité indéniable et à l'association d'éléments biographiques de son enfance, des analogies pertinentes qui révèlent une sensibilité profonde et une connaissance aiguë de la nature humaine.

Je ressortis foudroyé d'une expérience qui m'avait fait tomber sur l'effroyable secret, celui que ma mère, comme tout le monde, avais pris l'habitude de garder : ce qui distinguait l'homme des autres, c'était son aptitude naturelle à faire fi de ses émotions.

un appendice et une chronologie tombent à point nommé en fin de livre.

je tiens à remercier Livraddict et Folio pour le partage de cette découverte.



janvier 2013, 279 pages


4 commentaires:

  1. Quelle présentation ! Je vais l'attraper au Salon du livre ce WE !

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    1. tu vas au salon du livre, quelle chance ! tu vas le faire dédicacer ?

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  2. oui, c'est mon déplacement annuel à Paris...! Je vais déjà le trouver et puis on verra pour les dédicaces !

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    1. J'y allais du temps où j'étais parisienne. En 2003, Bragelonne m'avait pris en photo de dos sur leur stand lol. Souvenirs, souvenirs

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