mercredi 12 décembre 2012

Belle du Seigneur - Albert Cohen

J'ai eu beau essayer de l'éviter, de faire des ronds tout autour, il a bien fallu que je choisisse un livre, qu'écris-je, un annuaire, un petit Robert, bref faire mon choix dans la catégorie pavé d'Ys. Arf j'ai donc demandé à ma bibliothécaire Bienaimée, qui s'est écriée " oh mais il faut lire Belle du ...". Me voilà donc avec le volumeux volume sous le bras, sur les genoux, sous le coude, sur le canapé, dans le lit. Et ça dur longtemps du Albert Cohen. Il n'est pas du genre à s'envoyer en l'air en deux coups de cuillères à pot, non que nenni, c'est que non content de faire 853 pages chez Gallimard, c'est que les voilà touffues, poilues la belle, elle fait son poids en encre de mots charmants. De fait j'ai pris du retard et je n'ai encore lu que le 3/4 du roman c'est  à dire 600 pages sur les 853.

Je ne vais pas m'étendre sur le style qui est très esthétique ou de la chronologie  des événements parfois déroutante, des changements de voix, des phrases sans points, je vais plutôt parler de mon calage  à la page 300 environ, parce ouuuuuuhhhh je ne pouvais plus des gorilleries et des babouineries, que diantre j'avais besoin d'action, un peu d'air, j'ai donc lu un roman graphique dont je vous parlerais plus tard, peut être.
Mais une fois passé le cap houleux, quel délice ! avant la page 300, il n'est question pour ainsi dire que d' Adrien Deume et de ses proches, de la suffisance de leur vie de tous les jours, de la vie professionnelle d' Adrien, jusqu'à l'overdose, j'étais saturé par la médiocrité du personnage décrit et du cynisme ambiant. Pourtant, s'il s'agit des Deume, l'auteur est resté dans un narratif grinçant mais pas tellement offensif, il est con, interessé, Adrien, calculateur, arriviste, puant mais pas méchant. Seulement voilà c'est sa nature ma ptite dame, tellement un planificateur desséchant qu'il va même arranger son mariage avec une bourgeoise orpheline et déprimée, Ariane Auble pour se la péter. Enfin façon d'écrire, il ne pète pas grand chose, l' Adrien, en plus, c'est un mauvais coup, de fait la belle, elle lui préfère le beau Solal, 32 dents, Sous-Secrétaire à la Société des Nations et neveu de Mangeclous, personne haute en couleur. Alors pour revenir à l'offense, le fonctionnaire  est, lui, ratatiné, assassiné le ministre, écrabouillé le sous-fifre, laminé le gratte-papier. Tout le monde en prend pour son grade, et il n'en manque pas des grades au sein de la fonction internationale. Croustillant de savoir que l'auteur en était.

Alors l'histoire avait été rapporté par ma bibliothécaire comme The Histoire d'Amour et j'ai d'ailleurs pu lire effectivement dans différents blogs qu'il s'agit de The Love Story par excellence. Donc je vais faire ma provocatrice car franchement je n'appelle pas ça une histoire d'amour. Ou Alors Amour Kleenex ? Car très rapidement ( 3 mois ! ) notre Casanova magnifique ( il ne collectionne pas mais il n'en est pas à son coup d'essai, et puis le texte est cru parfois , j'ai toujours trouvé Don Giovanni moins salace par exemple) se lasse de sa mignonnette et il semble bien, là où j'en suis, qu'il la conserve par pitié. Et elle avec sa puérilité, son asservissement volontaire et consenti sont tout simplement répugnants. Bref je sens bien que cette romance va finir dans le fond du canal car de toute façon les histoires d'amour finissent mal en général.

Non franchement ce qui m'a fait frissonner est bien la critique de tout un pan de la société la bourgeoisie la noblesse, les militaires haut-gradés, les hauts fonctionnaires , les domestiques, les bigots, tout ce petit monde et ses meurtres entre amis sourire aux lèvres mais couteaux tirés sous la table dans la période délicate de l’avènement du nazisme. Car Solal est israélite, j'ai omis de l'écrire. La tentacule hideuse de la haine séculaire va le happer mais encore en filigrane, enfin au 3/4 du roman il n'est déjà plus rien.


Quelques mots choisis :

Je n'ai pas l'impression qu'une seule femme ait été amoureuse du grand Christ, au temps où il vivait homme aux yeux tristes. Pas assez viril, miaulaient les demoiselles de Galilée. Elles devaient lui reprocher de tendre l'autre joue.

Ces barbouillons vont tout me cochonner par terre. Enfin je ferai bien tiptop quand ils seront partis pour que tout soye bien implacable.

[...] au fond ce truc de nous dire vous pour mieux sentir le tu de certains moments quelquefois quand il me regarde les deux pointes deviennent si dure que ça me gène parce que ça doit se voir à travers la robe [...]

Ah mes amis, si tous les cornus d' Europe portaient lampion, ô miséricorde, quelle illumination !

Après avoir proféré d'aimables vérités premières, ils avaient sorti leurs antennes, s'étaient tâtés socialement en s'informant réciproquement, sans qu'il y parût, de leurs professions et relations respectives.






6 commentaires:

  1. Eh bien, félicitations, tu n'as pas choisi la facilité. Mais un classique de la Love Story, ça c'est sûr, même si bon, elle ne va pas là où on l'attend... Je te souhaite de sortir satisfaite du quart restant.

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    1. Ah ? ça ne finit pas dans le canal ? Avec l'ambiance antisémite régnante, je le vois bien mourir horriblement et elle retourner avec Adrien ? ou alors ils meurent tous les deux ? Car c'est sûr elle, elle l'aime inconditionnellement.

      Je n'ai peut être pas assez insisté sur le fait que c'est un roman magnifique, si entier. Par contre j'ai lu que l'auteur était dépressif et cette situation transpire allègrement ( oxymore ?) toput le long du livre.

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  2. lu aussi cette année... bien failli abandonner un grand nombre de fois,

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    1. Tu l'as d'une traite quand même ? je me réserve des pauses comme tu as pu le lire. Là j'en suis où il semble s'amuser à la faire pleurer pour raviver la passion qu'elle a de lui. Abjecte.

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  3. Que d'excellents souvenirs!! Lu il y a fort longtemps, dans mes années de prepa... Quelques longueurs certes, mais que de beauté, de Grace et d'absolu....

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