dimanche 12 août 2012

L'Ensorcelée - Jules Amedée Barbey d 'Aurevilly

Nous sommes le douze, et le douze et le vingt et un, ce sont les jours des douze d' Ys. Alors j'ai choisi cette fois-ci un bouquin de la rubrique classique et j'ai sélectionné cet auteur du XIX que je ne connaissais pas du tout. Et, j'ai passé moment vraiment sympa contre toute attente, car je crains souvent de me barbey ferme de m'ennuyer avec ces vieux papiers. Anachronisme oblige, M Barbey se douterait-il que ses textes libres de droit seraient lus au XXI siècle sur un liseuse électronique ?

L'histoire : le narrateur doit traverser la lande de Lessay pour se rendre à La Haye du Puits. Cette lande est traître, il est facile de s'y perdre ou de se faire agresser. Par hasard il se fait accompagner d'un herbager et fermier, Maître Louis Tainnebouy qui lui conte l'histoire de l'amour impossible d'un prêtre chouan dévisagé, en expiation à Blanchelande, l'abbé de la Croix-Jugan et de la femme, Jeanne-Madelaine de Feuardent d'un autre éleveur, un "bleu", Thomas le Hardouay.

C'est un roman régionaliste qui se déroule dans le Cotentin, juste après les chouanneries, les guerres civiles de l'ouest,  les lieux existent vraiment mais l'histoire est une fiction.

Lessay (A) - La Haye du Puis ( B) -Blanchelande (C)
Ce qui est tout à fait appréciable et surprenant, c'est le glissement de la narration. Je ne sais pas quand l'effet a été employé dans la littérature mais là il est en tous les cas employé ici avec brio. Le narrateur donc parle à la première personne au début du récit tant qu'il s'adresse à Tainnebouy puis disparaît pour laisser la place à l'histoire. C'est vraiment étonnant et contribue à la réussite du roman. J'ai eu vraiment eu l'impression de rentrer dans la tête du conteur.
Abbaye de Blanchelande, à 4 km de La Haye du Puits
Bien sûr il n'est pas possible d'échapper au vieux français qui donne vraiment un côté ampoulé et désuet mais ça ne m'a pas été pénible du tout, au contraire cette caractéristique a très largement contribué au glissement dans l'esprit de l'époque et à capter les intentions du narrateur.
Contrairement à la longueur des phrases, ah, ca par contre, parfois un peu rebutante. Bon avec la liseuse,l'avantage réside dans la disponibilité du dictionnaire, pas d'excuses pour ne pas chercher les mots inconnus dans le dico, en deux clics c'est fait. Ce qui est apparu plus rébarbatif bien sûr est l'accentuation répétitive des positions de l'auteur mais après tout c'est au goût de chacun et je ne serais pas étonné que certains y trouvent
leur intérêt. Après il est irritant de lire que les gens ont telles ou telles vertus car ils sont issus de tel milieu social, et d'entendre parler de race. Enfin bon, une autre époque, au moins j'étais dans le bain et c'était le but de l'auteur, largement atteint.

C'est un roman plein de contradictions mais l'auteur n'en manquait pas. Il était profondément monarchique et catholique alors même qu'il avait une vie dissolue. De ce fait certains de ses titres ( les diaboliques ) ont été censurés, et du premier de grands littéraires comme Zola l'ont dédaigné. Mais surtout ce qui marquera le lecteur, c'est le soucis de la précision dans la façon dont est conté le récit et de rapporter la vie courante des autochtones : l'influence de la religion à un moment délicat de son histoire en France, les superstitions, les petites haines intestines. Les propos du fermier Tainnebouy, emprunt de régionalisme,  sont recoupés avec ceux d'un curé et de la Comtesse de Montsurvent, et tout ce qui ne peut s'expliquer relève alors du surnaturel. Car il ne faut pas si tromper : derrière ces airs sérieux, ce roman est du style fantastique.

citations :

C'était une femme dans la fleur mûrie de la jeunesse, active, courageuse, et de ce sens droit, perçant et supérieur, qu'on rencontre dans une grande quantité de femmes de Normandie, la terre classique de cette forte race de ménagères qui entendent si bien le gouvernement du logis.

Cet accident, fort commun en plaine, quand on n'a rien sous les yeux, dans le vide, ni arbre, ni buisson, ni butte, pour s'orienter et se diriger, les paysans l'expriment par un mot superstitieux et pittoresque. Ils disent du voyageur ainsi dévoyé qu'il a marché sur male herbe, et par là ils entendent quelque charme méchant et caché, dont l'idée les contente par le vague même de son mystère.

[...]Le gouvernement de tous par tous - ce qui est impossible et absurde - mais le gouvernement de tous par quelques-uns ce qui est possible, moral et intelligent.

 Scène de l'église avec Sophie Marceau dans chouans de Philippe de Broca.

2 commentaires:

  1. Me voilà ravie que ce roman t'ait réconciliée avec la littérature classique.

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    1. Je suis réconciliée depuis quelques temps maintenant.J'avais fait un post là-dessus tout à l'ouverture de ce blog.

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